Elle a 98 ans

98 ans, c’est l’âge de ma grand-mère. Dans un peu moins d’un mois j’aurai 40 ans et j’ai la chance d’avoir encore une grand-mère. Mes filles ont la chance d’avoir une grand-mamie.

Cette chance est souvent remarquée par les personnes à qui je parle d’elle. 98 ans, wow! Et encore chez elle? Génial!

En effet, ma mamie vit encore chez elle. Elle a de l’aide matin, midi et soir mais vit toujours dans son environnement. Et ça aussi c’est une chance. Mais…

Car bien sûr il y a un mais.

Pour un certain nombre de raisons que je n’exposerai pas ici, je suis la seule à lui rendre visite régulièrement et parfois, comme ce soir, j’en ai « gros sur la patate ».

Ce midi, comme une à deux fois par semaine, je suis allée déjeuner chez elle. Avec un travail à temps plein, mes deux poupées, leurs activités respectives, les rendez-vous médicaux et autre (la vie quoi) j’essaye d’optimiser mon temps un maximum. Donc l’heure du déjeuner est parfaite pour lui rendre visite.

J’ai un peu honte de l’avouer mais ces visites sont souvent difficiles parce qu’elle me ressasse régulièrement des histoires de famille que je voudrais oublier. Je sais qu’elles lui font de la peine mais je n’y peux rien. J’ai fait tout mon possible en la matière et il y a déjà un moment que j’ai décidé que le mieux pour moi était de jeter l’éponge.

C’est dur quand je vois la peine dans ses yeux à l’évocation de ceux qu’elle ne voit pour ainsi dire jamais.

Je l’ai déjà dit, je cogite beaucoup. Et dans ces moments là il m’est difficile de tenir le cap que j’ai choisi face à ce que je sais qui ferait plaisir à une vieille dame aussi âgée que j’aime de tout mon cœur.

A côté de cela, elle refait parfois l’histoire et a des mots très durs pour des personnes qui ne les méritent pas. Mais à quoi bon essayer de corriger ou d’argumenter? Cela ne servirait à rien…

Il n’y a pas que les visites qui sont compliquées car il y a toujours quelque chose à faire comme trouver une nouvelle kiné ou une coiffeuse à domicile. Ça parait simple comme ça, mais en réalité ça ne l’est pas vraiment. Elle ne se déplace pas donc il faut trouver une coiffeuse disponible à un moment où l’aide à domicile peut ouvrir la porte, ou la refermer à clef. Mais pas pile au moment du repas parce que l’auxiliaire de vie ne reste pas très longtemps.

Quant à la kiné, comme elle vient souvent, elle a une clef. Pour une raison que j’ignore ma grand-mère est persuadée qu’elle vient parfois chez elle en pleine nuit. Donc elle voudrait que j’en trouve une autre… A qui, j’en suis sûre, elle ne manquera pas de trouver un autre défaut.

A 98 ans il n’y a pas que le corps qui fatigue. Son esprit aussi.

Ce jour là j’avais visiblement décidé de manger allongée par terre…

Elle m’appelle régulièrement. Je trouve ça assez chouette parce que parfois quand je n’ai pas le courage (que c’est horrible de dire ça) de lui rendez visite, je me dit que papoter quelques minutes c’est déjà ça.

Mais il arrive qu’elle m’appelle plusieurs fois dans la journée. Etant au travail je ne décroche pas, donc elle laisse un message inquiet de ne pas me trouver chez moi en fin de matinée. Je précise que je n’ai que mon mobile, pas de fixe et qu’elle sait que je travaille. Elle oublie simplement.

Une jour elle m’a appelée quatre ou cinq fois dans la journée donc j’ai fini par décrocher de peur qu’il y ait une urgence. Heureusement il n’en était rien. Elle voulait juste discuter. Ou me reparler d’une visite nocturne de sa kiné, je ne sais plus.

Il y a quelques jours, je venais de rentrer du travail, j’avais juste ôté mes chaussures, je pensais à me poser sur le canapé quand le téléphone a sonné. C’était son auxiliaire de vie qui n’arrivait pas à la coucher seule. J’habite à cinq minutes, je suis donc ressortie pour aller aider à la mettre au lit. Puis je suis re rentrée chez moi, faire faire leurs devoirs à mes poupées.

Parfois j’ai l’impression d’avoir trois enfants. C’est parfois lourd. Cette fatigue est difficile pare qu’elle s’ajoute à celle du quotidien. Mais, je peux me regarder dans la glace en me disant que je fais ce qui me semble juste. Ma grand-mère a fait tellement pour moi que cela me semble normal d’être là pour elle.

Alors ce soir j’en ai gros sur la patate en pensant à cette flutain de coiffeuse qu’il faut que je trouve mais je me dit aussi que j’ai bientôt 40 ans et que j’ai la chance d’avoir encore ma grand-mère. Parce que je sais qu’un jour son auxiliaire m’appellera et ce ne sera pas pour me demander d’organiser un rendez-vous…


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